J'ai un mois de retard sur la rédaction de mon blog, mais bon... tout va bien. Je reprends donc le fil des événements. Je vous avais laissé à Koh Kong, ville peu intéressante en soi mais bien située en tant qu'étape entre les Cardamomes et Phnom Penh.
Phnom Penh
Le trajet vers Phnom Penh fut assez long et sans histoire. Après les berges marécageuses du Tonlé Sap et ses villages lacustres, la course folle à travers la campagne sur un petit train de bois rudimentaire, et finalement les étendues sauvages des Cardamomes, l'entrée à Phnom Penh provoque un choc. C'est une grande ville pour le Cambodge, pays rural avant tout. Le trafic, bien qu'incomparable avec les grandes métropoles des pays voisins (Saigon, Bangkok, Hanoi...) est bien typique : des camions surchargés, des scooters défiant les lois de l'équilibre et roulant souvent à contre-sens, etc.
Mon pote Thomas (rappelez-vous les articles « Excursion avec Toto dans le bush australien » et « Indonésie, Bali » ) était à Phnom Penh quelques jours avant nous. Il a écrit un article super intéressant sur son blog, que je me permets de citer pour introduire le mien.
" Phnom Penh est de loin la ville la plus peuplee du Cambodge (1.3 million d'habitants). C'est ici que la riviere "Tonle Sap" se jette dans le fameux Mekong, qui lui poursuit ensuite sa route jusqu'au Vietnam. Elle est devenue la capitale du Cambodge en 1431, apres que le roi se fut enfuit de Angkor Vat, envahi par le Siam (Thailande). Il y a un siecle, Phnom Penh etait encore une ville riche et prospere: dans les annees 20, elle etait surnommee "La perle d'Asie". Aujourd'hui, la ville est "revenue de l'Enfer" et continue sa reconstruction "
Je vous encourage à aller en lire plus :
Phnom Penh fut pour nous une étape tranquille, sans trop de visites à la chaîne.
On a profité du charme de cette cité particulière, qui n'accroche pas le visiteur au premier abord, mais qui laisse une agréable impression quand on parcourt ses rues et ses quartiers.
C'est parti pour une petite visite.
Le marché central Psar, un grand bâtiment Art Déco qui abrite de nombreuses échoppes où l'on peut trouver un peu de tout (vu depuis le toit d'un centre commercial voisin) :
Zoom sur les toits de la ville:
Panorama sur la ville. Au fond, un Wat (temple), et le Mekong. Le gros de Phnom Penh est bâti sur une rive du Mekong:
Mais cela est en train de changer : des promoteurs chinois ont entamé la construction d'énormes immeubles sur l'autre rive. Sans commentaires...
L'entrée du Palais Royal :
Dans le quartier des ambassades, on trouve de somptueuses propriétés:
… qui n'ont rien à voir avec les immeubles des quartiers plus populaires:
Dans l'ancien quartier français, de belles bâtisses coloniales donnent un charme de début de siècle à la ville. Certaines sont entièrement rénovées et réhabilitées pour faire des restaurants de luxe ou des sièges administratifs. Par exemple, la Poste :
Mais les bâtiments rénovés ne rivalisent pas avec le charme défraîchi des vieilles pierres :
La prison S21. Un sombre témoignage sur les atrocités des khmers rouges:
Nous avons visité l'éprouvante prison S21 où les khmers rouges ont incarcéré, torturé et envoyé à la mort 17 000 hommes, femmes, enfants. Cette visite était tellement choquante de cruauté et de réalisme, que je n'ai pas pu sortir l'appareil photo de ma poche. Le S21 est une ancienne école que les khmers rouges ont investi pour en faire une prison secrète « de haute sécurité », en plein Phnom Penh ! En 1979, l'armée vietnamienne libère Phnom Penh et découvre cet endroit lugubre. Depuis cette date, l'endroit n'a guère changé changé. L'horreur nous touche encore. Les lits de camps où furent retrouvés les restes des derniers suppliciés (non identifiés) du S21 sont toujours là, à leur place. Les barbelés des étages, qui empêchaient les prisonniers de se suicider, également.
Les conséquences de la folie des khmers rouges n'appartiennent pas totalement au passé. Aujourd'hui encore, des cambodgiens viennent des campagnes reculées à Phnom Penh pour essayer de retrouver la trace de proches disparus sous le régime. Justice n'a pas encore été complètement rendue pour les millions de victimes (20% de la population de l'époque). En effet le procès de certains leaders incluant Ieng Sary (numéro 2 du régime), n'a débuté qu'en juin 2011 !
Réserve animalière de Phnom Tamao
Le séjour à Phnom Penh s'est terminé par une visite pour le moins originale : celle du zoo de Phnom Tamao. J'ai évoqué, dans mon précédent article, la question des zones de protection naturelles au Cambodge. Elles sont nombreuses car le pays est peu peuplé et a gardé ses richesses naturelles, mais mises en grand péril par le braconnage et par la modernisation du Cambodge. Le gouvernement a officiellement pris ses dispositions en créant ces zones équivalents à nos parcs naturels, mais le Cambodge étant l'un des pays les plus corrompus de la planète les règles sont facilement contournables à grande ou à petite échelle (du braconnier graissant la patte du Ranger, au promoteur étranger graissant la patte du ministre).
Le zoo de Phnom Tamao, niché dans une forêt à 1 heure de scooter de la capitale, recueille dans de vastes enclos les animaux sauvés des braconniers. Pour la majorité d'entre eux, c'est la meilleure solution pour les préserver, leur espérance de vie à l'état sauvage étant faible. Ce zoo travaille en partenariat avec l'association « Free the Bears », créée par une australienne pour œuvrer contre le commerce des ours noirs d'Asie: http://www.freethebears.org.au/
Voici quelques photos.
L'éléphant d'Asie. Il n'en resterait qu'une cinquantaine à l'état sauvage (non domestiqué) au Cambodge. Pas facile de se cacher quand on est un éléphant... Le commerce de l'ivoire est illégal. Pourtant, on peut trouver des bijoux en ivoire dans les petites échoppes pour touristes. Tout du moins, les vendeurs le certifient et en sont fiers...
L'ours d'Asie. Une grosse peluche qui mange du miel et grimpe aux arbres :
Le gibbon. Même pour moi qui n'aime pas trop les singes, le gibbon est un animal d'une certaine classe ! Autrefois, on entendait son cri sauvage dans toutes les forêts du pays. Un long cri impressionnant, une sorte de vrille sonore qui s'entend de très loin.
Le crocodile siamois. Une petite réplique des monstres aperçus dans l'Adelaide River en Australie (voir l'article: Attention Crocodles !), et l'une des espèces les plus menacées au monde:
Voici une trouvaille pour moi qui suis un inconditionnel des chats... Le chat-léopard ! Prenez un chat, mettez lui une peau de léopard... et voilà. Sauf que le chat-léopard ne s'apprivoise pas. Enfermez le entre quatre murs, il va tourner en rond comme un fauve :
Et le meilleur pour la fin, le seigneur de la jungle... Le Tigre. Ce magnifique animal est le plus gros des félins. Sur les 8 sous espèces, 3 sont déjà éteintes. On estime qu'en un siècle, 97% de la population initiale de tigres sauvages a été exterminée.
J'ai croisé le regard de l'un des tigres de Phnom Tamao. Même à travers 2 grillages et à 2 mètres de distance, j'ai eu un frisson (d'émerveillement ou de peur, je ne sais pas trop. Peut être un peu des deux).
J'ai photographié deux animaux en liberté, peut être venus narguer leurs congénères en cage...
Un magnifique oiseau :
Et un gros lézard (il faisait bien une vingtaine de centimètres). J'en avais vu des similaires, voire plus gros, en Australie:
Le Mondulkiri : à la rencontre des collines... et des éléphants
Après ces expériences, quoi de plus naturel que de ressentir à nouveau l'appel de la forêt ?
Cap sur une autre zone naturelle du Cambodge : le Mondulkiri, grande province boisée à l'est du pays. C'est la région la moins dense (4,2 habitants au km2). Mondulkiri signifie « rencontre des collines ». Effectivement, c'est un paysage de petites collines toujours vertes, où l'on trouve de vastes forêts de conifères et de jungle.
Un bus nous amena dans la petite ville de Sen Monorom, perdue au milieu de nulle part sur un plateau, où la nuit, les températures presque polaires nous ont fait ressortir pulls, chaussettes et écharpes (une dizaine de degrés, j'avais oublié qu'on pouvait survivre dans de telles conditions ;-) ;-) ;-)
Arrivés au soir, on a pu contempler un beau coucher de soleil :
Après l'aventure en solo dans les Cardamomes, on avait envie de faire un trek organisé, quitte à dépenser un peu d'argent, afin de cumuler découverte de la forêt, d'une minorité ethnique locale (phnong), et randonnée à dos d'éléphant (une première !). Les phnong sont une ethnie proche de la nature, vivant dans les petits villages de la forêt avoisinante. Ils ont leur propre langue, qui a la particularité de ne pas être écrite pour la simple et bonne raison qu'il n'y a pas d'alphabet. Ils sont entre autres réputés pour être d'excellents « mahouts », ou cornacs. Leurs éléphants ne répondent qu'aux ordres dictés en phnong et ne comprennent pas le khmer :-)
On a trouvé un circuit sur deux jours : à partir du village phnong situé à une demi heure de Sen Monorom, un trek d'une journée dans la forêt avec un guide local, une nuit au village sous le toit du guide (dans des hamacs), puis le lendemain balade à dos d'éléphant dans la forêt et retour à Sen Monorom en fin d'après-midi.
Ces formules sont toujours un peu risquées, car on ne sait jamais par avance ce que l'on va trouver. Au final, cela s'est plutôt pas mal déroulé. On était quatre personnes à faire le trek dans la jungle et à dormir au village, et le guide était vraiment agréable. Par contre, l'accueil dans le village phnong nous a semblé un peu froid, la famille du guide a préparé la cuisine et s'est retirée, nous laissant manger tous les quatre ensemble. Logeant chez l'habitant, nous aurions aimé partager quelque chose, un moment avec eux.
La deuxième journée, on a fait connaissance avec les éléphants. Ceux-ci sont très bien traités, cela fait plaisir à voir. La majorité d'entre eux ont été rachetés aux chantiers d'abattage du bois, où il n'est pas rare qu'un éléphant soit tué à la tâche. Dans la nuit, ils sont relâchés dans la jungle, leur élément naturel. Leurs mahouts n'ont jamais de mal à les retrouver. Un point négatif cependant : on était plus nombreux, et il a fallu pas moins de quatre éléphants, car d'autres touristes se sont joints à nous. Tant mieux pour la communauté phnong, mais égoïstement, l'intimité du trek de la veille nous a manqué.
La suite en photos. Le village phnong (pour la petite anecdote, Jean Jacques Annaud y a tourné plusieurs scènes du film Deux Frères) :
Non loin du village phnong : du manioc en train de sécher au soleil:
Grâce au guide et à sa machette, nous avons pu aller par des chemins vraiment reculés, notamment jusqu'à de petites cascades cachées en pleine forêt. J'ai particulièrement aimé le sentiment d'être perdu et loin du monde. Ci-dessous la tête de notre petite équipée, avec le guide phnong sous la casquette bleue :-)
On pouvait passer derrière cette petite chute d'eau. Un peu comme dans « Le temple du soleil ».
Comme souvent, les chutes d'eau sont beaucoup moins impressionnantes en saison sèche. Mais le plaisir de débusquer une cascade « sauvage » en pleine jungle vaut au moins les chutes du Niagara.
Un grand classique ;-)
Certains arbres sont impressionnants:
Sur l'un de ces arbres, nous avons eu une belle surprise : il y avait une empreinte d'ours d'Asie, ce qui ne doit pas courir les rues. Les ours d'Asie ont de longues griffes qui leur permettent de grimper aux arbres, et laissent des empreintes dans l'écorce. Le guide nous a montré des nids d'abeilles sauvages plus haut dans l'arbre. Qui dit abeilles... dit miel... La gourmandise est un vilain défaut ;-)
Notre guide choisit un morceau de bambou ou sera préparée la soupe du soir :
J'ai réussi à ne pas me mouiller les pieds. Malgré cela, trois sangsues ont trouvé le moyen de monter sous mon pantalon (comment ? )
De retour au village, le soir. Nous croisons des femmes phnong qui rapent le manioc afin de le mettre à sécher par la suite :
Le dîner est servi sur une natte à même le sol. Simple, mais délicieux : Porc, riz, légumes divers, et « soupe de bambou ». Dommage que la famille du guide (une femme et deux enfants) ne soit pas venue avec nous.
La maison Phnong est rudimentaire. Je n'ai pas pris de photos car je n'aurais pas aimé qu'un hôte en fasse autant chez moi... Quatre murs sans pièces, un mobilier minimaliste: la famille se partage deux grands lits sur la même plate-forme de bois où nous avons mangé (on en aperçoit un sur la photo ci-dessus, derrière le guide. Il n'y a pas de salle de bain (tout le village fait sa toilette au puits), ni de toilettes (on va dans la nature pour ça).
Quand je disais qu'il fait froid, le soir... Je crois que Sophie avait 4 couches + un chèche + un sac de couchage, et je ne devais pas être loin du compte:
Ces hamacs à moustiquaire de l'armée sont très pratiques et passe-partout. Un bon compromis à la tente pour dormir en pleine nature. Il y en avait pas mal à vendre pour trois fois rien. Si mon sac à dos n'était pas déjà plein, j'aurais bien aimé en rapporter un en Australie... Tout compte fait on dort très bien dans un hamac, surtout quand on est pas grand. Le truc, c'est de se mettre en biais afin d'être le plus à plat possible.
Le lendemain, le trek à dos d'éléphant.
Les préparatifs au village :
Pour monter sur le dos de l'éléphant, on lui dit un ordre phnong et il lève la patte avant, qui sert de marchepied pour grimper. On peut tirer sur son oreille pour s'aider : l'éléphant n'est pas douillet.
C'est parti ! Il faut avoir les fesses solides et le cœur bien accroché :
Contrairement à ce qu'on pourrait croire et à ce que dit l'expression, l'éléphant est un animal très agile. Il pourrait passer dans un magasin de porcelaine sans faire tomber une figurine ! Les passages sont parfois très escarpés et glissants, ce n'est pas un problème pour l'éléphant :
La relation du cornac et de son éléphant est très importante. Dans certains cas, c'est l'histoire d'une vie.
Les éléphants aiment se baigner. Les cornacs les frottent partout et les éléphants adorent ça.
On s'est baignés avec eux... Un des éléphants était allongé dans la rivière et je suis monté dessus. Il s'est levé sans crier gare et on est sortis de la rivière ensemble, en remontant les marches des rapides. C'était inattendu et quand je me suis rendu compte de ce qui se passait c'était trop tard pour descendre !Mais sortir de l'eau sur le dos d'un éléphant donne un sentiment de liberté indescriptible !! Sur les pierres glissantes où j'avais perdu l'équilibre dix fois, l'éléphant n'a pas fait un faux pas.
Quelqu'un m'a pris en photo, mais j'attends toujours le cliché... Dès qu'il me l'enverra je la mettrai en ligne.
Le chemin du retour. « En avant les éléphants, et marchez militairement »
Sophie prend les commandes
Le trek s'est terminé agréablement... et les éléphants sont repartis dans la jungle, sans harnachement. Ce sont des animaux fascinants, attachants et particulièrement intelligents.
Derniers jours au Cambodge :
Par la suite, nous avons fait une petite virée à scooter dans la région, dont les paysages de collines balayées par les vents font plus penser au Pays de Galles qu'à l'Asie :
Ca, c'est du casque ;-) Heureusement, il n'y avait pas d'ours d'Asie dans le coin.
Nous avons été coincés trois jours à Sen Monorom car Sophie a chopé une infection alimentaire carabinée... Heureusement, elle s'est remise à temps pour qu'on puisse remonter vers le Laos avant la fin de notre visa. Nous avons fait une dernière escale dans la petite ville de Kratie, au bord du Mekong. Si la ville n'a pas de charme particulier, il y a une petite île rurale au milieu du Mekong qui valait le détour, pour ses belles berges, son village et ses rizières verdoyantes.
Un coucher de soleil sur le Mekong vaut, je crois, toute la poésie du monde. Pour notre dernière nuit au Cambodge, nous avions commandé du spectaculaire:
Le Cambodge est un pays qui laisse une empreinte sur l'âme.
Je n'oublierai pas ses habitants, son atmosphère, ses paysages...
Nous avons continué notre route en suivant le Mekong, vers le Nord, pour découvrir les terres laotiennes. Un autre chapitre à suivre très bientôt.
Je conclus cet article en partageant avec vous quelques photos insolites, recueillies ici et là:
Une marque de cigarettes inédite...
Siem Reap. Les cambodgiens ne manquent pas d'humour ;-)
Battambang. L'image n'est pas très claire, mais ce cambodgien vient de charger deux cochons vivants sur son scooter (si si!)
Pursat. Un livreur de bière Angkor surveille fidèlement son chargement:
Un scooter, quelque part à Kratie. Normal...